L’huître, un mets précieux depuis la préhistoire
Aussi loin que l’homme se souvienne, les huîtres ont toujours été un mets de choix : Il en existe des traces déjà depuis 5000 ans avant JC sur tous les sites archéologiques. Des monticules de coquilles vides sont retrouvés un peu partout dans le monde… Jusqu’en Chine, qui la première, pense à collecter des huîtres sur des bambous.
En Grèce Antique, la coquille est considérée comme aphrodisiaque et l’huître se veut déjà écoresponsable - bien avant l’heure ! Sa coquille sert également de bulletin de vote. Les Grecs gravent le nom de l‘homme politique à bannir de la cité, d’où l’origine du terme ostraciser (ostrakon qui signifie coquille) : Le peuple vote alors à coquille levée !
Mais c’est à l’époque romaine que l’huître est élevée au rang de plat de luxe… Sa renommée, c’est à un sénateur, Sergius Orata (-140-90 avt JC), qu’on la doit. Ingénieur, marchand, inventeur, hédoniste (il fait sa fortune avec des villas équipées de bains chauds), cet homme politique qui adore la dorade et les bagues en or, a l’idée d’organiser des élevages en créant des parcs à huîtres au lac Lucrin, dans la baie de Naples. Les Romains les consomment nature ou avec une sauce de poisson.
Puis, quand les Romains envahissent la Gaule, ils en importent depuis les côtes bretonnes, normandes et du bassin de Marennes. On trouve des viviers alimentés en eau de mer de Clermont à Jarnac, de Poitiers à Saintes, sur la ‘route des huîtres’, étapes cruciales pour les voyages retour vers Rome pleins de ces précieuses cargaisons. Ils appellent alors ce coquillage marin « les belles paupières » pour son dessin dentelé.
Pour en savoir plus, lisez notre article "Tout savoir sur les huîtres".
Le dernier chic parisien
Au Moyen-Âge, l’huître est à la fois un plat de pauvre pour les populations côtières et prisé de la noblesse citadine qui commence à la conserver dans la glace. À la Renaissance, l’huître est devenue reine dans le Tout Paris : Des dîners gargantuesques peuvent servir jusqu’à 150 huîtres par personne… Louis XIV, lui, les fait venir de Cancale chaque jour à dos de cheval. Paris compte 2000 écaillers et ce serait à cause du retard d’une de ces cargaisons que le cuisinier du roi, François Vatel, qui a donné son nom aux écoles hôtelières actuelles, met fin à sa vie.
Jean de la Fontaine lui dédie deux fables : « Le rat et l’huître » qui finit par le fameux « tel est pris qui croyait prendre » et « L’huître et les plaideurs ». Selon la légende, Casanova en mangeait 12 douzaines au petit-déjeuner et sa réputation aphrodisiaque est loin de faiblir. Napoléon III en interdit la pêche pendant la période de reproduction et met en place les premiers parcs à huîtres, car la production commence à souffrir de son industrialisation.
Au début du 19e siècle, elle devient un plat street food à la mode, convoité de Paris à Londres en passant par New-York. En 1860, le petit port Whitstable, au sud de l’Angleterre, en achemine 50 millions de tonnes vers Londres. En 1900, les new-yorkais en consomment un million chaque jour ! Son industrialisation est controversée, non seulement parce qu’elle mène vers l’extinction du genre, mais aussi parce que ce sont des enfants qui sont en charge de leur récolte, comme le démontre les photos de Lewis Hine au début du XXème siècle, montrant les conditions de travail d’écailleurs – les plus petits ont 4 ans - en Louisiane.
Huître naturelle (ou pas)
Aujourd’hui, 40% des huîtres vendues en France seraient désormais triploïdes, une biotechnologie qui opère une modification génétique mise en place par l’Ifremer (Institut Français de recherche pour l’exploitation de la mer) au début des années 90. Résultat : une production annuelle standardisée… au détriment des saisons et des productions artisanales. Cette huître, stérile, met toute son énergie dans sa croissance plutôt que dans sa reproduction. Car oui, il y a donc des saisons pour l’huître et les meilleures arrivent pile à temps pour Noël ! Son secret ? Il lui faut du temps : En effet, une huître naturelle met 3 à 4 ans en moyenne pour arriver à maturité.
Si l’huître n’a toujours pas d’étiquetage obligatoire sur son origine, il est difficile de faire le tri sur les étals. Une association française (www.ostreiculteurtraditionnel.fr) prône désormais son propre label d’« ostréiculture naturelle née en mer ». Elle compte une centaine de producteurs, contre 3000 au total en France et se plie à une charte de bonne conduite au rythme naturel des saisons.
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À porter : Les bijoux recyclés de coquillages par la créatrice Bérengère Perrocheau, qui donne une nouvelle vie aux huîtres, moules et couteaux: https://www.instagram.com/coquillesvides/